Nature et Patrimoine de Moissat

Articles de Félix Floret

 

Cette histoire a été publiée par le Messager Paroissial de Moissat des années autour de 1930, dont les articles retrouvés de façon désordonnée, ont été regroupés par thèmes et dans un ordre à peu près chronologique.

Par respect du texte original,certaines fautes ne sont pas corrigées


 

(Les textes en italique sont des remarques de F.Floret)

(Saint Germain en Laye le 18 avril 2012)


Les Origines De Moissat

 

I - MOISSAT BAS (MOISSAT L’EGLISE)

 

L’origine de Moissat Bas se perd dans la nuit des temps. Simon, abbé de Saint Lomer, envoya en Auvergne quelques religieux qui portaient avec eux les reliques de saint Lomer pour les soustraire aux Normands qui infestaient le pays et détruisirent même l’abbaye de Blois.

Le site de Moissat avait été bien choisi pour y établir un monastère. A l’abri des vents d’ouest par la hauteur qui, dans l’avenir devait porter Moissat le Chastel (389 m) et de ceux du sud ouest et du sud par les pentes qui contournent le village dans ces directions. La nature calcaire du terrrain fournissait la chaux nécessaire comme les pentes de Ravel toutes les pierres utiles. Partout des sources abondantes et non loin une petite rivière: le Litrou.

Le pays n’était pas de ces contrées incultes et inhabitées dans lesqelles s’établirent de nombreux couvents. A preuve que Guillaume le Pieux, comte d’Auvergne, acheta les terres de Moissat Bas à une dame de qualité nommée Valusiana pour les donner au monastère en l’an 910.

Le pape Jean X approuva cette donation et imposa aux moines la règle de Saint Benoît. Guillaume le Pieux fit aussi donation au monastère d’une terrre située à Billom et du lieu de Peschadoire et quelques temps après des terres de Bouzel et de Seychalles. Ces donations furent faites par actes authentiques en date de 912.

En 1075, Guillaume, comte de Thiers et sa femme, Adélaïde de Châlons, firent également don au monastère de Moissat l’Eglise, de Bort et du bois nécessaire au chauffage du couvent.

Nous manquons de précisions sur la vie du prieuré de Moissat pendant toute la période du Moyen âge.

Il ne fût certainement pas épargné lors des invasions ou des luttes intestines qui ensanglantèrent la terre d’Auvergne. Une preuve nous est fournie par les débris de la grande chapelle qui sont visibles dans le presbytère actuel. Mais à quel moment et dans quelles circonstances fut détruite cette chapelle, postérieure à l’église paroissiale et plus grande qu’elle ?

Les Normands furent les premiers envahisseurs. (Ce n’est pas ce qu’écrit l’auteur à propos de Chrocus au IVème siècle dans le chapitre consacré à l’église d’Espezen)

Dès 898, Eudes, fils de Robert le Fort, leur infligea une sanglante défaite à la butte de Monpensier, près d’Aigueperse, mais ils avaient ravagé ou détruit Saint Aventin de Beauregard, Issoire, Brioude et l’abbaye de Manglieu.

Pendant tout le Xème siècle, Sarrazins, Normands, Hongrois dévastèrent la France.

Comme ces hordes féroces suivaient les cours d’eau qu’elles employaient comme moyens de transport, nous voyons s’élever des châteaux sur les directions conduisant à l’Allier : Vertaizon, Buron, Mercurol, Usson, Craims, Ibois, Nonette sont du Xème siècle et probablement aussi le château de Montaigu, à trois kilomètres de Moissat, dont les trois enceintes encore visibles occupent un plateau de 130 mètres dominant de 170 mètres la vallée de Billom.

Au XIIIème siècle, une guerre terrible éclata entre Guy de La Tour, évêque de Clermont, et Robert, comte d’Auvergne et de Boulogne. Les terres contestées : Vertaizon, Lezoux et Mauzun, furent atrocement ravagées et Moissat était situé au centre de ces contrées.

 

II - LE CHATEAU FORT

 

Couronnant le monticule qui porte le bourg de Moissat-Haut, le château occupait le quartier appelé actuellement le Grand Fort et le Petit Fort.

Selon M. Ambroise Tardieu, sa construction remonterait au Xème siècle, et l'historiographe de l'Auvergne doit avoir raison. La fin du Xème siècle fut en effet l'époque où la féodalité qui avait pris naissance au IXème siècle, sous Charles-le-Chauve, commença à prendre sur le territoire tout entier une extension qui ne fit que progresser. Les petits seigneurs eux-mêmes cherchèrent à se rendrent indépendants des grands vassaux de la couronne. De là cette multitude de castels fortifiés, élevés surtout dans les lieux de difficile accès et dont les ruines attirent encore l'attention.

Il est donc permis de supposer que Robert et son frère Pierre, possesseurs de la terre de Moissat, dont ils portaient le nom, entrèrent dans le mouvement et furent les constructeurs du château (964).

Les vestiges qui en subsistent permettent une reconstitution relativement fidèle de son ensemble.On suit d'abord facilement la ligne de son enceinte qui figurait un quadrilatère à peu près rectangulaire d'environ cent mètres de longueur sur une quarantaine de largeur. Celle-ci étaient flanquée de plusieurs tours dont la tour de l'évêque a été démolie lors de la construction du presbytère actuel ; pas entièrement toutefois puisque sa partie souterraine intacte sert de fondement au belvédère de la maison de M. Pierre Reignat et que un pan de mur important a été utilisé dans l'aménagement intérieur de cet immeuble et aussi du presbytère.

La porte principale du château regardant le nord s'ouvrait sur la ruelle qui donne accès au petit fort et le logis seigneurial se trouvait vraisemblablement sur l'emplacement de la maison de M. Joseph Déplat et des constructions qui la joignent.

Au centre se dressait le donjon, puissante tour carrée, dont la base encore existante et haute d'une dizaine de mètres sert de cuvages et de caves à ses deux propriétaires, M. François Escuit et M. Jean Lageyre.

Sur le côté nord du donjon était la chapelle dédiée à saint Jean-Baptiste et qui, d'abord agrandie, puis complètement transformée, est devenue l'église paroissiale de Moissat-Haut.

 

III - LES SEIGNEURS DE MOISSAT

 

Robert de Moissat et son frère Pierre dont il a été déjà parlé furent probablement les premiers seigneurs de ce lieu. La date de 964 passablement reculée, voisine avec leur nom sur un manuscrit de l’époque. En 1075, on trouve Pons de Moissat. Astorg qui vint ensuite, laissa Robert dont le fils, Maurice, fut prieur de Saint Lomer en 1087.

Astorg et Robert furent les représentants les plus célèbres de cette famille; tous deux troubadours en renom, poètes et musiciens, ils composaient non seulement des chansons mais en faisait aussi les airs. Astorg eut en partage avec son frère Pierre la moitié du château de Moissat et, de plus, la forteresse de Lempty et une partie de la terre de Montaigut. Un chroniqueur du temps raconte que l’épouse du Comte de Thiers fût tellement sensible aux charmes du brillant troubadour qu’elle consentit à l’accompagner dans l’un de ses voyages, lequel, détail rassurant, ne fût pas suivi pour les deux amis de sérieux désagréments.

Eustorg, seigneur de Moissat et Espirat, vivait en 1124 (C’est un des seigneurs de Moissat qui a fait construire, au XIème siècle, le fort d’Espirat dont il ne reste plus que la grosse tour et le bâtiment du pont-levis. Il y avait un fossé tout autour du fort. Il était alimenté par un bief du Joron). Il est fait mention de Guillaume de Moissat en 1260. Un autre Robert est nommé en 1262.

Après extinction de cette famille, la chatellenie de Moissat passa à Hugue de Mai en 1327. François de Vaubécourt, gentilhomme lorrain, seigneur d’Ambrecourt et de Rochefort fût, avec Guillaume dit l’Hermitte de la Faye, coseigneur de Moissat en qualité d’époux de Jeanne Flotte de Ravel en 1401.

Moissat eut dès lors les mêmes seigneurs que Ravel.

Devenue veuve, Jeanne Flotte se remaria avec Jacques de Chatillon, grand panetier de France.Veuve une seconde fois et n’ayant eu d’enfant d’aucun de ses mariages, elle institua pour son héritier André de Chauvigny qui passa ses biens à sa fille, dame de Ravel et de Moissat (de Revello et de Magientaco), mariée avec Charles d’Amboise vers 1460.

De la même lignée suivirent Guy d’Amboise, sa fille Antoinette épouse de François de la Rochefoucault, Charlotte de la Rochefoucault femme de Louis de Comboursier, seigneur du Terrail, copropriétaire avec sa soeur Gilberte mariée en 1584 à Jean III d’Estaing.

La maison d’Estaing garda la propriété de la terre de Moissat jusqu’à la révolution et son dernier seigneur fût l’amiral comte d’Estaing qui commanda la flotte française pendant la guerre d’indépendance des Etats Unis et qui fût guillotiné le 28 avril 1794.

 


07/09/2012
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La chartre de Moissat

 

                    LA CHARTE DE MOISSAT

 

D’après une étude à l’Académie de Clermont dans sa séance du 3 janvier 1878, par M. Elie Saloustre.

 

On appelle Charte, les contrats conclus entre les seigneurs et les bourgeois des villes au temps de la révolution communale. Ces contrats s’étendaient bientôt aux communes rurales.

En 1406, époque la plus troublée de notre histoire où la France ayant à sa tête un roi privé de raison,, se débattaient contre les bandes anglaises soutenues par le duc de Bourgogne et ses nombreux partisans, Mainsac (Moissat) eut sa Charte. La copie de cette Charte existe en l’étude de Me Lavadoux, notaire à Moissat (en 1932).

Les constructeurs du château de Moissat étaient de la famille de ce nom qui s’éteignit vers la fin du XIIIème siècle. Le château passa ensuite à la famille Couzans dont Amédée signa, en 1315, un compromis avec l’évêque de Clermont, seigneur de Vertaizon, pour délimiter les justices de Vertaizon et de Lezoux, abbés de Moissat, Espirat et Seychalles. Hugues de Mai jouissait, en 1327, de la Châtellenie de Moissat.

En 1406, François d’Ambrecourt, chambellan du Roi et duc de Bourbonnais, qui avait épousé Jeanne Flotte de Ravel, était seigneur de Moissat et d’Espirat avec Guillaume dit l’Hermite de la Faye. Ils avaient acheté ces châteaux à Guy de Couzans.

A cette date de 1406, ces seigneurs donnèrent à Moissat une Charte de privilèges qui fût faite en présence de Robert de Bonnefond, Guillaume de Dalmas et Pierre Chambon, tous les trois avocats à Riom.

Cette Charte ne faisait que confirmer les privilèges octroyés bien avant cette époque par les anciens seigneurs du lieu ainsi que nous l’apprend le titre lui-même en nous annonçant « qu’elle a été rédigée qu’après une longue conférence avec hommes très habiles sur les privilèges et coutumes concédés par les seigneurs de Couzans et leurs prédécesseurs. »

Il est certain, nous dit M. Elie Saloustre, que dès le commencement du XIIIème siècle, beaucoup de villes, bourgs et villages de l'Auvergne possédaient des Chartes de franchises. Pour ne parler que des endroits voisins de Moissat, nous citerons Billom dont les privilèges ratifiés en 1202, par Odill, archevêque de Bourges, remontaient en 1189; Lezoux, dont la Charte primitive détruite dans un incendie, fut renouvelée en 1392 : Mezel, qui, au mois de juin 1259, vit ses franchises confirmées par Guy de la Tour, évêque de Clermont. Aux termes de cette dernière transaction, les habitants de Mezel ne durent plus qu'une seule journée de travail par an, ou deux au plus, à leur seigneur, qui s'obligea à leur fournir le pain le jour où ils travaillaient pour lui. En 1251, Beauregard-l'Evêque a ses privilèges octroyés par Hugues de la Tour, le samedi après la Nativité de la Sainte Vierge et ratifiés par l'évêque Pierre André, le 16 mars 1343.

En 1230, Alphonse de Poitiers donne les franchises à Pont-du Chateau. Enfin, dès le XIIIème siècle, Chauriat a ses consuls qui, en 1326, signent un traité avec l'évêque de Clermont Aycelin au sujet du ban des Vendanges.

Toutes ces communes, grandes ou petites, s'administrent, gèrent leurs affaires elles-mêmes, élisent leurs magistrats, s'assemblent pour délibérer, ont une milice, en un mot, se gouvernent, sont souveraines.

On l'a dit avec vérité, le Moyen-Age est la véritable époque des libertés municipales. Chaque ville, chaque bourg écrit sa charte de franchise et se proclame libre sans que l'Etat en soit ébranlé.

Ces associations de citoyens, ces communautés d'hommes libres n'étaient pas exclusives. « Que si quelque étranger, dit la Charte de Moissat, veut entrer et s'incorporer aux dits privilèges, nous sommes tenus, nous, ou notre bailly de le recevoir à la seule présentation des consuls et ne doit être répudié par nous ou notre bailly, moyennant qu'il veuille promettre et jurer qu'il gardera les dits droits et coutumes de notre dit lieu et qu'il ne soit pas l'homme infâme, en payant toutefois la somme de douze deniers en son entrée et réception. »

Cette demande et cette permission de s’établir dans la commune durèrent jusqu’à la Révolution. Nous trouvons à la date du 16 mars 1790, dans les registres de la mairie : « Le nommé Jacques Grisonnanche, maréchal ferrant du lieu de Ravel, s’est présenté et a demandé la permission de s’établir en ce lieu et d’y travailler de son métier et a promis de bien se comporter et de se conformer aux règlements et ordonnance de police. »

On sort de l’association aussi facilement qu’on y entre ; tout homme qui quitte la communauté doit verser seulement cinq sols à la caisse du seigneur.

On peut être chassé de la communauté si on est condamné pour vol ou rapt.

A Moissat, on élisait chaque année quatre Consuls qui prêtaient serment au seigneur et qui levaient et imposaient les dîmes. Si, après paiement, il y avait un reste, les Consuls le gardait par devers eux pour l’employer à l’occasion. Le seigneur et son bailli ne peuvent, en aucun cas et sous quelque prétexte que ce soit, se mêler des affaires de la commune à moins qu’ils n’y soit expressément invités par les citoyens.

Les Consuls élisent chaque année un gatier chargé de la police du bourg et un gardien des terres, prés et vignes. Ce gardien n’est autre que notre garde champêtre. C’est un des plus anciens fonctionnaires, il remonte à Philippe le Bel, petit fils de Saint Louis (1268-1314).

Ces deux agents prêtent serment entre les mains du bailli et des consuls.

Les habitants de Moissat sont exempts de toute corvée à l’égard de leur suzerain. Ils ne lui doivent aucune taille (impôt), aucun charriage, aucune hospitalité, aucune manœuvre d’homme, de bœuf ou d’âne. Personne n’est tenu de payer au seigneur ou au bailli chose quelconque « outre son vouloir et devoir, n’y mesme aulcune manœuvre excédant un jour. »

Contrairement à la plupart des chartes d’Auvergne, les habitants de Moissat étaient formellement dispensés de concourir pécunièrement à la délivrance du seigneur fait prisonnier.

Au Moyen Age, (on appelle ainsi la période historique qui s’étend de la mort Théodose en 395 à la prise de Constantinople par les Turcs en 1453), il était admis dans le droit public que chaque seigneur pouvait réclamer le secours de ses tenanciers, nobles ou roturiers; le vassal devait défendre son suzerain et ses terres mais celui-ci ne pouvait les mettre hors de leur fief sans leur volonté.

Ce droit du vassal de rester dans les limites de la seigneurie et de n’en sortir que de son plein gré est attesté par les établissements de Saint Louis qui ajoutent que les « non nobles peuvent refuser de suivre le seigneur s’il veut les mener dans un lieu d’où il leur serait imposssible de revenir le soir chez eux. »

Les habitants de Moissat, par un privilège singulier, ne pouvaient être tirés hors du château pas plus qu’ils ne devaient être jugés ailleurs que chez eux.

Il y a là une exemption formelle du service militaire qui est digne d’être remaquée, les hommes de métier étant seuls alors généralement dispensés de prendre les armes à la réquisition du seigneur et spécialement les fourniers, les meuniers, les serruriers, les charpentiers et les maçons. Tous ces artisans jouissaient de cette immunité dans le but évident que le pays ne soit pas privé de leurs services.

Les citoyens de Moissat ne restaient pas totalement étrangers à tout maniement d’armes. La charte explique en effet qu’ils peuvent mander et instituer les sentinelles s’ils en ont besoin pour la conservation et garde de leur ville : « que si quelqu’un ne veut pas obéir à leur commandement, il paiera six deniers d’amende desquels on louera homme pour faire la garde. » Néanmoins et remarquons en passant cette délicate attention : « qui a sa femme couchée n’est tenu d’aller aux manœuvres, ni garde, s’il ne lui plaît. »

La liberté individuelle est assurée aux membres de la commune, car tel ne peut être arrêté en marché ou foire si ce n’est pour crime. Afin de mettre les citoyens à l’abri de toute perquisition véxatoire de la part de la justice seigneuriale, pour protéger leurs foyers, la charte stipule expressément que nul ne peut être recherché pour quelque larcin si ce n’est du consentement des consuls. Les habitants se trouvent donc placés sous la garde de leurs élus.

Toutefois, la contrainte par corps est permise à l’égard des débiteurs, « à moins qu’ils n’ayent de quoi payer en fonds et leurs biens doivent être vendus par gens experts. »

Une clause assez curieuse est celle qui concerne les paris ou gageures; elle dit : « si quelqu’un fait gageure où il viendrait à perdre celle-ci de quelque prix que ce soit, ne sera tenu que de vingt settiers de vin. » On voit bien par cette disposition que Moissat est en pays vignoble.

Au temps de la féodalité, la législation pénale, loin d’être uniforme variait suivant les lieux. Chaque localité avait ses règles particulières et chaque seigneur fixait à son gré les pénalités que pouvaient encourir les vassaux.

La charte de Moissat offre en cette matière des dispositions curieuses et variées et, chose digne de remarque, il y est uniquement question d’amendes et nullement d’emprisonnement même pour des délits qui, aujourd’hui, en seraient sûrement passibles. Il faut remarquer que pour les cas les plus graves dont il est fait mention, les amendes sont plutôt légères. Voici d’ailleurs le tarif donné par la charte. « L’amende pour quelconque trouble et débat est fixée à 20 deniers pourvu qu’il n’y ait pas effusion de sang. S’il a fallu faire preuve, l’amende est de 3 sols et 6 deniers. S’il y a effusion de sang sur les yeux ou par dessous, sans l’emploi d’aucune arme, à la suite d’un seul coup de poing et que la plaie ne soit pas trop énorme, 7 sols d’amende. Si on fait sang à coups de bâton ou à coups de pierre, 20 sols, à coups de couteau 60 sols. S’il ya énorme plaie, fracture d’os ou blessure apparente, amende de 30 sols pour le fisc et 15 sols pour le battu, en outre pour chacun des os fracturés, 5 sols; pour chaque plaie manifeste, 2 deniers. De plus, les frais du médecin sont à la charge du coupable qui paiera 30 deniers par jour au malade jusqu’à son complet rétablissement.

Pour un larcin commis aux champs pendant le jour, 3 sols et demi d’amende et si le larcin est commis la nuit, 17 sols. »

La charte ajoute qu’il est défendu de se faire justice soi-même. « Si quelqu’un fait un larcin public ou marqué et qui en fasse coutume et qui surprendra quelqu’un lui faisant dommage le jour ou la nuit, n’est tenu à amende mais le doit amener à justice laquelle doit faire et dommages. »

La responsabilité personnelle des fautes est confirmée dans la clause qui défend d’inquiéter les habitants pour « les méfaits advenus par leurs premiers enfants ou serviteurs si que il reste prouvé iceux estre consantants. »

Le seigneur justicier avait droit aux amendes tant mobilières qu’immobilières, c’est à dire tant aux amendes proprement dites qu’aux confiscations. C’était un principe général que le bénéfice de la confiscation appartenait au seigneur haut justicier du lieu de situation des biens; aussi lit on dans les privilèges de Moissat : « Les biens des criminels dignes de mort appartiendront au seigneur après toutefois que l’on aura payé les délits du criminel. »

C’était ordinairement devant le peuple assemblé soit dans l’église, soit sur la place publique qu’étaient jadis octroyées les franchises communales. C’est ainsi que la Charte de Moissat fût promulguée en présence du consul et des hommes du château. Voici d’ailleurs en quels termes : « Au nom de la Sainte Trinité amen. Nous, François d’Ambrecourt, seigneur de Rochefort et Guillaume dit Lermitte, seigneur de la Faye, seigneur de Sainbonnet, du château et de la ville de Moissat et d’Espirat par noble et puissant seigneur Guy de Cousans, seigneur pour lors des susdits habitants de Moissat, après une longue et codiligente conférence et traité avec hommes très habiles et gens à nous fidèles, sur les titres, privilèges, coutumes y mentionnées, concédées par les seigneurs de Couzans et leurs prédécesseurs à la commune de Moissat, nous avons donné et conféré et par la teneur des présentes donnons et conférons maintenant et pour jamais à tous les habitants de notre dit lieu de Moissat le Chastel. »

Suit l’énoncé des franchises octroyées et le seigneur conclut de la sorte: « Quant aux privilèges et coutumes sus-dites, nous et nos successeurs, seigneurs du dit lieu de Moissat et d’Espirat, avons permis et promettons pour la teneur des présentes sous l’obligation de tous chacun nos biens, et avons juré sur les saints Evangiles manuellement en présence de la plupart de la communauté du dit Moissat à garder, défendre et tenir immuables et promettons ne les avoir faits ni prétendre faire quelconque qui contrevient ou puisse contrevenir à la fermeté et contenant d’icelles. Donné dans le dit château de Moissat en présence de noble Guillaume Flote, seigneur de Ravel, Pierre Cheuchy, seigneur des Antesniers et de religieuse personne Pierre Dufaux, prieur du monastère de Moissat (Bas), Guilhaume de Balmes, Pierre Chambon, Robert de Bonnefont, avocat à Riom et de Giraud Seguin de Billom, Guilhaume l’Angelier, clerc notaire. » Viennent ensuite quatre vingt deux noms parmi lesquels un bon nombre sont portés par des familles encore existantes à Moissat tels : Jean Romeuf, Jean Bourdel, Pierre Huguet, Robert Madiore, Jean Favre, Jean Reignat, Pierre Reignat fils de Jean, Benoît Madéore, Pierre Coherier, Jean Pinet, Pierre Verdier, Laurent Codeignat, « tous hommes du château de Moissat qui sur les saints Evangiles de Notre Dame ont juré fidélité à la Charte en date du lundy dix septième jour du mois de may l’an 1406. »

A l’époque où fût donnée la charte de Moissat (1406), la plupart des seigneurs de la région s’attribuaient le droit de fixer l’époque des moissons et des vendanges, droit fort ancien d’ailleurs puisqu’il remonte à l’administration romaine.

A Moissat, le ban des moissons et le ban des vendanges ne furent plus que simple affaire de police locale : « Un chacun, disent les franchises, peut faire moissonner et vendanger moyennant le conseil du bailly et des consuls. »

Il y avait aussi le droit de ban vin, lequel portait défense aux récoltants de vendre leur vin tant que le seigneur n’avait pas vendu le sien. « Le ban d’aoust, disent les sires d’Ambrecourt et de la Faye, seigneurs de Moissat est en notre château, lequel commence le jour et fête de Sainte Madeleine jusqu’au jour et fête de Saint Gilles, à telle condition toutefois que au dit ban, on ne doit vendre vin poussé, aigre ou de mauvaise senteur, et de ce, chargeons les consuls du dit lieu. Le dit ban ne doit durer qu’un mois. »

Mais cette interdiction faite au profit du seigneur souffrait, à Moissat, de nombreuses exceptions car on lit un peu plus bas : « Que s’il y a au dit lieu quelque femme accouchée ou quelque malade, il leur sera loisible, même avant le dit mois du ban, d’acheter vin où bon leur semblera, si les habitants du dit château voient et s’aperçoivent quelque chose être nécessaire pour la communauté. Enfin même durant le ban, chacun des habitants peut vendre son vin poussé, aigre ou de mauvaise saveur à broc et son bon vin aux étrangers à poisson ou à pot et non à moindre mesure. » Il faut, en effet, conserver la réputation du terroir, débiter sur place la piquette, la vendre au détail, à broc, aux gens de l’endroit et exporter la fleur du crû afin que, au loin, la renommée du vin de Moissat ne souffre aucune atteinte.

Parmi les autres droits seigneuriaux mentionnés dans la charte, se trouve le droit de ventes qui n’est autre que le prix du consentement donné par le suzerain à la transmission du fief et qui correspondait en réalité aux formalités de l’enregistrement et aux frais de mutation imposés par l’administration d’aujourd’hui.

Le droit de vendre le fief était acquis au vassal moyennant les lods (?) payés au seigneur, mais celui-ci conservait le droit d’investiture et d’assainissement. Dans le principe, l’investiture correspondait dans une mise en possession réelle, effectuée par des signes extérieurement matériels. Cette formalité se réduisit plus tard à une simple formule ou déclaration que les officiers du seigneur inscrivaient sur le contrat reçu par le tabellion (notaire). L’investiture seigneuriale qui portait aussi le nom de nantissement donnait ouverture à la perception d’un droit qui, dans la franchise de Moissat, est tarifé à un denier par sol. « Des posssessions vendues, on doit au seigneur, pour chacun sol, un denier pour les vestizons » (?). (denier = douzième partie d’un sol).

Le passsage suivant des privilèges de Moissat vise les rescissions (?) en matière de vente : « Si quelqu’un, en vendant ou achetant est trompé du tiers de juste prix, la vente est renonçable durant huit jours, toutefois si elle est proclamée, elle est bonne et valable. »

Cette disposition est à noter, car d’après les coutumes venant du droit romain, il fallait que la lésion dépassa la moité du juste prix pour que la vente fût rescindable.

Dans le Berry, le délai était de 60 jours pour l’exercice d’annulation, de trois mois dans le Bourbonnais et ordinairement de 40 jours en Auvergne. Comme on le voit ci-dessus, à Moissat, la demande en lésion n’était plus recevable après huit jours et même si la vente avait été proclamée, elle était immédiatement bonne et valable.


02/11/2012
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De la guerre de cent ans aux guerres de religion

 

DE LA GUERRE DE CENT ANS AUX GUERRES DE RELIGION

 

Les habitants de Moissat, vraissemblablement, ne jouirent pas en toute tranquilité de la nouvelle situation que leur valait la charte du sire de Vaubrecourt. La France à cette époque, était le théâtre de cette interminable guerre, appelée, par les historiens, guerre de Cent ans. Les Anglais envahisseurs, après avoir conquis le Languedoc, étaient venus en Auvergne et tout en guerroyant dans cette riche province, ils pillaient les villes et ravageaient les campagnes.

On sait que Lezoux eut à subir leurs assauts et finit par tomber en leur pouvoir. Il est de bonnes raisons de supposer que Moissat eut à souffrir d'un tel voisinage et tout particulièrement son prieuré. Un motif est fourni à cette opinion par une vue du monastère dessinée par Guillaume Revel vers 1450, dont l'original se trouve à la bibliothèque nationale et qui montre des brèches importantes aux murs de son enceinte.Ses habitants durent en même temps faire face aux attaques des routiers et des grandes compagnies, bandes armées, composées d’aventuriers et ensuites grossies de nombreux mercenaires licenciés des armées françaises et anglaises qui, dénués de moyens réguliers d’existence, s’emparaient de gré ou de force de tout ce qui excitait leur convoitise, dévalisant les châteaux comme les demeures de paysans. Grâce cependant à la bravoure de Duguesclin, sous Charles V et à la providentielle intervention de Jeanne d’Arc sous Charles VII, les Anglais, d’abord éloignés du pays d’Auvergne, furent enfin chassés du sol français en 1453.

Jusqu’au milieu du 16ème siècle, le pays ne fut troublé de temps à autre que par des querelles de seigneurs ; mais un fait insignifiant, en apparence, allait avoir une importance considérable.

En 1540, un moine jacobin venant d’Allemagne, se présentait à Issoire au couvent de Saint Austremoine et y réclamait la passade, aumône due au voyageur. Ce jacobin, sectataire de Luther, prolongea son séjour et fit des prosélytes, si bien que grâce à lui, Issoire fût le berceau du protestantisme en Auvergne. Bientôt les passions s’exacerbèrent et s’ouvrit l’ère des guerres de religion qui couvrirent la France de sang et de ruines.

En 1560, la plupart des moines et des habitants d’Issoire étaient protestants; la ville leur appartenait. Gaspard de Montmorin reprit la ville dans laquelle, cependant, Gabriel, seigneur de Vassel, entretenait un noyau de gens prêts à la révolte. Gaspard de Montmorin assiégea Gabriel dans son château de Vassel, près de Moissat, le prit et lui fit trancher la tête.

Les habitants d’Issoire appellent à leur secours le capitaine Merle, fils d’un cardeur d’Uzès, qui s’empara de la ville le 15 août 1575. Le 20 mai 1577, une armée royale commandée par le Duc d’Alençon (devenu Duc d’Anjou), le frère d’Henry III, bloque la ville qui est enlevée, brûlée, démolie si bien que sur l’ordre du duc, on planta sur les ruines, un poteau avec un écriteau sur lequel on lisait : ici fut Issoire.

Voici ce qui se passait au sud de Moissat. La situation au nord n’était pas meilleure, on se battait partout, à Lezoux surtout, et Thiers avait été enlevé en 1567, sans coup férir, par d’Acier-Crussol et du Puy-Montbrun chefs des protestants.

A la fin du XVIème siècle, les guerres de religion entrent dans une phase nouvelle. Henry III n'ayant pas d'enfant, l'héritier du trône était le protestant roi de Navarre. Le duc de Guise, homme d'une haute valeur et très populaire, pensa pouvoir renverser le roi et prendre sa place. Dès 1576, ses partisans avaient fondé la ligue des catholiques qui, sous le masque de la religion, devait le pousser au pouvoir.

Cette ligue devint rapidement un parti très fort; le roi dut composer avec lui en attendant d'être chassé de Paris par la journée des Barricades, 12 mai1588.

La ligue fut puissante en Auvergne, mais seulement dans le quadrilatère formé par Ambert, Issoire, Thiers et Clermont. Ses chefs furent Jean-Louis de la Rochefoucauld, comte de Randan, Jean de Lastic, seigneur de Sieujac, une partie seulement de la noblesse marchait sous leurs ordres.

Le duc de Guise fût assassiné à Blois, par ordre d'Henry III, le 25 décembre 1588, et le roi de Navarre vint rejoindre le roi de France.

Dès la nouvelle de l'assassinat d'Henry de Guise, le comte de Randan et son frère, l'évêque de Clermont, réunirent les principaux ligueurs dans la chapelle des Jésuites de Billom, le 2 avril 1589. Presque toutes les villes d'Auvergne, à l'exception de Clermont et de Montferrand, se rangèrent avec plus ou moins d'empressement sous les ordres de Randan.

Henry III assassiné par Jacques Clément, le 1er août 1589, la guerre se ralluma de plus belle pour empêcher le roi de Navarre d'accéder au trône qui lui revenait de droit. Issoire continuait à passer de mains en mains. Le 11 février 1590, les royalistes sont maîtres de la ville, mais ne peuvent s'emparer de la citadelle où commande le capitaine La Carrière.

Le comte de Randan qui avait vainement assiégé Montferrand, investit Issoire avec 4000 fantassins et 600 cavaliers. Averti que des troupes envoyées par la ville de Clermont arrivaient à Coudes, le chef des ligueurs se porta à leur rencontre.

Le choc eut lieu le lendemain, 14 mars 1590, à Cros-Rolland sur le plateau de Pardines. Randan fut tué et ses partisans complètement défaits.

Au nord de Moissat, en 1589, Thiers avait été bloquée par les ligueurs qui occupaient Ambert, Olliergues, Courpière, Vollore, Lezoux et Billom. En 1590, le blocus continuait.

Ces évènements favorisaient les bandes de mauvais garçons qui infestaient la contrée : celle de Chappes qui opérait entre Lezoux et Maringues fût une des plus célèbres ; elle tua, en une seule fois, 23 habitants de Beauregard. Elle fut massacrée ainsi que son chef dans les rues de Lezoux pendant le siège de cette ville au printemps 1592. C’est à ce siège que fut tué Jean de La Motte-Arnault, l’ancêtre des fameux Arnault de Port Royal, de Pomponne et d’Andilly. C’est lui qui à Cros-Rolland acheva Randan d’un coup d’épée après avoir tué le Sieur d’Oradour de Saint Gervazy.

Pendant la Ligue, le château de Vertaizon fut mis en état de défense, il était la propriété de l’évêque de Clermont.


29/11/2012
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L'époque monarchique

 

VI - L’EPOQUE MONARCHIQUE

 

L’époque féodale fut suivie de l’époque monarchique, l’autorité des seigneurs cédant devant le pouvoir royal et, petit à petit, s’établissant l’unité nationale. Cette période fut d’abord marquée par un temps de tranquillité relative sous les règnes de Louis XI (1461), de Charles VIII, de Louis XII et de François Ier qui réunit à la couronne, le Dauphiné et le duché d’ Auvergne devenant ainsi le maître de la plus grande partie de cette province en 1532.

Cet état de choses dura environ un siècle ; ensuite s’ouvrit une ère malheureuse pendant laquelle les Français, divisés en deux camps, s’affrontèrent en une guerre sauvage, triste temps où villes et villages, prenant parti les uns pour les catholiques, les autres pour les protestants, se combattirent entre eux.

Cette guerre intestine où la question religieuse fut souvent un prétexte destiné à masquer des ambitions politiques, fut très violente en Auvergne et l’occasion nous a été donnée de dire que la région où se trouve Moissat fut le théâtre de sanglants combats. L’on se battit dans les rues de Lezoux et près de Médagues où vingt cinq habitants de Beauregard trouvèrent la mort (1590). Leurs noms sont inscrits sur les registres paroissiaux de cette époque.

Il n’est pas douteux que les gens de Moissat eurent à souffrir de ces violences dans leurs personnes et dans leurs biens ; mais lorsqu’un peu de repos et de protection leur fut donné, ils se remirent courageusement à l’ouvrage. C’est ce qui sans nul doute, se produisit pendant les années de l’administration Sully, digne ministre de Henri IV qui permirent aux cultivateurs de panser leurs meurtrissures et de rouvrir la terre aux semences avec sécurité. Travailler en sûreté, telle a toujours été la noble ambition du paysan français. Alors s’épanouissent les qualités de la race et se renouvelle le phénomène par lequel la terre se couvre encore de moissons et se développe la propriété individuelle. « Mystère étrange dit Michelet, il faut que cet homme (le paysan) ait un trésor caché… Et il en a un en effet : le travail persistant, la sobriété. Dieu semble avoir donné pour patrimoine à cette indestructible race le don de travailler, de combattre au besoin sans manger, de vivre d’espérance, de gaîté courageuse. »

L’abjuration d’Henri IV, son élévation au trône peuvent être consirérées comme mettant fin aux guerres de religion. Si celles-ci étaient finies « officiellement », il n’en résultait pas moins que le pays était fort troublé sous le règne réparateur d’Henri IV.

Dans une province d’accès aussi difficile que l’Auvergne, l’autorité avait beaucoup de peine à pénétrer et les seigneurs des formidables forteresses qui la couvraient faisaient montre d’une indépendance par trop grande. Il est bien difficile de se représenter ce qu’était autrefois la vie dans ces provinces.

Même au début du règne de Louis XIV, on ne voyageait pas en sûreté. A quelques kilomètres de Moissat, à Pont du Château, habitait le vicomte de Canillac, véritable chef de brigands que l’on appelait l’Homme aux douze apôtres parce qu’il entretenait douze scélérats prêts pour tous les crimes.

Ces malandrins avaient à proximité, un endroit propice à leurs méfaits. Le pont sur l’Allier , à Pont du château , ne date que de 1735 ; de temps immémorial, le passage de la rivière était asssuré par les bâteliers de Saint Aventin. Postés sur les rives, les apôtres avaient beau jeu pour rançonner les voyageurs.

Sur la demande du juriste Consult Domat, Louis XIV ordonna en 1665, une séance ambulatoire du Parlement que l’on appelait les Grands Jours.

Les juges jugeaient en dernier ressort de toute matière criminelle et en matières civiles jusqu’à concurrence de 600 livres de rente et 1000 livres en capital.

Le vicomte de Canillac, nous dit Fléchier, fut jugé le 23 octobre 1665 et éxécuté quatre heures après, sur les cinq à six heures du soir, sur une place qui est devant la cathédrale.

La royauté ne se sépara pas brusquement de la féodalité, les rois laissant subsister plus ou moins longtemps les institutions féodales qu’ils jugeaient utiles ou qu’ils n’étaient pas en mesure de remplacer.

Ainsi, le roi enleva au seigneur la souveraineté sur ses terres en lui laissant la propriété avec les droits féodaux qui y étaient attachés et qui seront de plus en plus odieux à mesure qu’on s’éloignera davantage de l’époque féodale.

L’œuvre de centralisation s’accentuera pendant le règne de Louis XIII, sous le gouvernement de Richelieu qui, à côté des seigneurs, plaça des intendants, hauts fonctionnaires chargés de veiller à l’administration de la justice, de la police et des finances.

La démolition des châteaux forts fut une des mesures prises par le célèbre Cardinal, pour diminuer la puissance des seigneurs et fortifier le pouvoir central (1626). Il tint à se renseigner par lui-même des dispositions de certaines provinces relativement à l’éxécution de son projet. A cet effet, il traversa l’Auvergne en 1629 s’arrêtant à Issoire et à Clermont. Venant par la vallée de l’Allier, il put remarquer en passant plusieurs châteaux importants et décider de leur sort.

Quoi qu’il en soit, les gens de Moissat purent voir, en 1634, du haut de la belle vue, s’écrouler sous la pioche des démolisseurs, les murailles et les tours du château de Vertaizon.

Furent également rasés de la région, les château de Vodable, d’Usson, de Murol, de Mercurol, de Mauzun, de Nonette, etc…en tout une quinzaine, afin, dit l’ordonnance royale, « que les factieux ne se puissent prévaloir des dites places pour troubler le repos et la tranquillité. »

Le fort de Moissat fut épargné parce que sans doute de moindre valeur militaire. Plus puissant était en effet celui de Vertaizon, comme il ressort des rapports de deux visites faites en 1622 et 1625, par ordre de l’évêque Joachim d’Estaing et aussi de l’inventaire effectué par l’intendant d’Argenson, à la suite du décret royal de démolition. Il était composé de deux enceintes, la première haute seulement d’une toise avec douze tourelles, la seconde faite de fort hautes murailles flanquées aux coins et au milieu de sept grosses tours dont plusieurs portaient des noms particuliers:la tour du Capitaine, la tour Lancelot, la tour Rouquiouze. Il y avait aussi la tour Bessonne, tour double qui constituait la principale entrée du donjon. Dans la seconde enceinte se trouvait également la chapelle et une citerne.

Il est intéressant de savoir si le renforcement du pouvoir royal opéré par Richelieu aux dépens de la puissance seigneuriale fut avantageux aux paysans de la Basse-Auvergne et plus spécialement de la Limagne et par conséquent de Moissat.

Le nouvel état de choses qui mit fin aux luttes des seigneurs entre eux et entre ceux-ci et le roi assura certainement à nos aïeux plus de tranquillité et de sécurité, mais il est moins certain que leur situation économique n’en fut guère modifiée. Il faut même dire qu’elle en fut aggravée.

Aux charges déjà existantes vient s’ajouter l’impôt royal et les tailles s’élèveront dans une progression continue pour faire face aux dépenses nécessités par l’organisation du royaume et la guerre devenue inévitable avec la maison d’Autriche qui tendait à l’asservissement de l’Europe.

Le commerce étant peu développé et l’industrie encore naissante, le fisc s’acharnera sur le travailleur et le propriétaire terriens qui constituent la classe la plus nombreuse de la nation.

Le ministère de Colbert (1661-1679) fut cependant un temps de détente qui permit au paysan de reprendre courage. Ce grand Ministre tenait pour maxime que l’aisance des gens du peuple est la base la plus solide des richesses du souverain. Autant que possible, il réalisa son principe par un dégrèvement important des impôts, par les débouchés qu’il ouvrit à la production, par l’ordre sévère apporté à l’administration provinciale. Mais Colbert passa et aussi son œuvre.

Dans les dernières années du XVIIème siècle jusqu’à la veille de la Révolution, il y eut un appauvrissement continu dans les provinces françaises; l’incessante augmentation des impôts portant toujours presque exclusivement sur la classe paysanne.

La pénible situation du paysan de Limagne aux XVIIème et XVIIIème siècles ressort de nombreux documents de l’époque, par exemple, des mémoires des intendants d’Ormesson et Ballainvilier. Elle est surtout très explicitement exposée dans une supplique de Massillon au chancelier Fleury. Dans cette requête adressée de Beauregard (1740), l’Evêque de Clermont fait un tableau très sombre de la condition matérielle de ses diocésains, adjurant le cardinal ministre d’alléger leurs charges.

 


21/12/2012
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L'époque révolutionnaire

 

 EPOQUE REVOLUTIONNAIRE

 

Les embarras financiers de la Monarchie devaient causer sa chute.

Les impôts sans cesse croissant frappaient surtout, comme il a été dit, les classes laborieuses de la nation tandis que trop de privilégiés en étaient exempts. Tel fut le sujet principal du mécontentement et de l’inquiétude qui amenèrent la grande révolution.

Il faut dire que cette situation fâcheuse ne s’améliora guère avec le nouveau régime lequel, victime de son esprit démagogique, se montra impuissant à réprimer le désordre et fut bientôt acculé à l’inévitable banqueroute.

Toutefois, des changements profonds furent apportés à l’administration du pays. Ainsi, au début de l’année 1790, à Moissat comme dans toutes les communes de France, fut appliquée la nouvelle constitution des municipalités, en vertu d’une loi promulguée en décembre 1789 et dont voici les principaux articles :

Art. 4 — Le chef de la municipalité prend le nom de maire

Art. 25 — Les membres du corps municipal, y compris le maire, sont au nombre de 3 au-dessous de 500 âmes, de 6 de 500 à 3000, de 9 de 3000 à 10 000, etc…

Art. 26 — Dans chaque municipalité, il y aura un Procureur de la commune sans voie délibérative. Il sera chargé de défendre les intérêts et de poursuivre les affaires de la commune.

Art. 30 — Les citoyens actifs de chaque communauté nommerons par un seul scrutin de liste un corps de notables double de celui des membres du corps municipal.

Art. 31 — Les notables formerons avec le corps municipal le Conseil général et ne seront appelés que pour les affaires importantes.

Art. 38 — Le Conseil municipal s’assemblera au moins une fois par mois.

Art 42 — Officiers municipaux et notables seront renouvelables par moitié chaque année.

Art 44 — Le maire, élu pour deux ans est rééligible pour deux autres années seulement.

L’élection de la municipalité de Moissat fut fixée au 7 février 1790.

D’après la loi de décembre 1789, sur la constitution des municipalités, seuls avaient droit de vote les citoyens dits actifs. Ceux-ci devaient remplir les conditions suivantes :

Etre Français ou devenu Français

Etre majeur de 25 ans accomplis

Etre domicilié de fait dans le canton au moins depuis un an

Payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail

N’être point dans l’état de domesticité, c’est à dire serviteur à gages.

Voici la liste des citoyens actifs de Moissat qui fût arrêtée le 7 février à l’issue de la messe matutinale « dite et célébrée en ce lieu du Haut-Moissat » .

MM. Huguet, Costilhe, Etienne Nugeyre, Jean Nugeyre, Jacques Denis, Jean Blateyron, M. Pascal, Antoine Reignat, Jean Blateyron Bartilloux, Pierre Bordel, Etienne Place, Etienne Baget, Pierre Reignat Rigoutont, Ligier Genestoux, Jean Baget, Etienne Chalard, François Chalard Laquette, Jean Reignat Rigouttout, Jacques Blateyron Maranne, Antoine Mouly, Taurin Aspert, Alexandre Nugeyre, Mathieu Baget, Mathieu Madéore, François Bélisme, Antoine Delorme, Benoit Gauthier, Jean Demonne, Jean Jury, Jean Ryberolle, Sébastien Huguet, Benoit Pinel ou Pinet, François Nugeyre, Benoit Bélisme, François Nugeyre, Benoit Madéore, Jean Cohérier, André Huguet, Jean Genestoux, André Pyleyre, Jean Chalard, Jean Huguet, Joseph Delorme, Claude Madéore, Annet Parrot, Jean Madéore, Joseph Moretton, Joseph Denis, Benoit Codeignat Gary, Jacques Pinel ou Pinet, Michel Creuy (?), Antoine Madéore, Thomas Guérin, Jacques Aspert, François Baget, Gilbert Madéore, Grégoire Bort, Jean Coutarel, Guillaume Aspert, André Codeignat, Benoit Gauthier, Jean Bélisme, Jean Jacquet, Mathieu Lageyre, Joseph Creuy (?).

Tous laboureurs, habitant les lieux du Haut et Bas-Moissat, Les Charles, Pironin, La Martre.

Le scrutin du 7 février 1790 pour l’élection du Corps municipal de saint Pierre de Moissat ainsi que des notables appelés, avec lui, à former le Conseil général de la commune, donna les résultats suivants. Furent élus:

Maire:

M. François Huguet, notaire royal et procureur fiscal de Moisat, Ravel, Espirat, Montaigut, Listenois et les Bournets

Officiers:

MM. Charles-François Costilhe, bourgeois

Antoine Reignat-Paille, laboureur

Alexandre Nugeyre, laboureur

Jacques Denis, laboureur

Benoit Pinet-Lagoute, laboureur (*)

Procureur de la Commune:

M. François Pascal, bourgeois

Notables:

MM. Jean Nugeyre, laboureur

Etienne Nugeyre, laboureur

Guillaume Aspert, laboureur (*)

Jean Aspert, laboureur

Benoit Bélisme, laboureur

Michel Escuit, laboureur (*)

Mathieu Baget, laboureur

François Blateyron-Tourgon, laboureur (*)

Joseph Pinet-Lagoute, laboureur (*)

Jean Blateyron, laboureur (Tiennou)

Jean Gras, laboureur (*)

Jean Baget, laboureur

(*) curieux: ces noms ne figurent pas sur la liste des citoyens qui ont le droit de vote (citoyens actifs)

Secrétaire-greffier:

M. Jacques Aldigier, praticien

Trésorier:

M. François Huguet

Gardes:

MM. Taurin Martignat

Jean Tourgon (Barrou)

Le garde Taurin Martignat dit La Poussière, cumula les fonctions de valet de ville, chargé de balayer la maison de ville et de faire les commissions de la municipalité. Pour ce travail, 12 livres par an lui sont allouées avec cette clause « que lorsqu’il sera envoyé hors du lieu, ses voyages lui seront payés séparément d’après fixation qui sera faite par les membres du bureau. »

La commune avait été organisée de la manière que nous savons avec son maire, ses officiers municipaux et son conseil général.

Le 15 janvier et le 26 février 1790, l’Assemblée Nationale, poursuivant son œuvre, procéda à une nouvelle division du royaume ; le département devant remplacer la province et lui-même étant divisé en districts.

L’Auvergne haute et basse devait former deux départements : le Cantal et le Puy de Dôme ; ce dernier devant être divisé en huit districts dont les chefs-lieux seraient : Clermont, Riom, Ambert, Thiers, Isssoire, Billom, Montaigut et Besse.

Le choix de Besse, toutefois, n’était pas définitif car il était laissé aux électeurs du département de décider si le chef-lieu du huitième district ne devait pas être définitivement fixé à La Tour ou à Tauves.

L’Assemblée Municipale de Moissat eut donc à s’occuper de cette question et, dans sa séance du 11 avril, elle se contenta de réclamer la conservation des huit districts en insistant toutefois pour que soit maintenu celui de la ville de Billom, « dans laquelle les habitants de Moissat portent toutes leurs denrées et où se trouve un collège qui facilite l’éducationde leurs enfants, en un mot, où toutes leurs affaires et leurs usages les appellent journellement. »

Le décret de l’Assemblée Nationale portait en outre, que la première assemblée du département du Puy de Dôme se tiendrait dans la ville de Clermont et que dans le cas où il serait établi un tribunal supérieur, il serait délibéré par les électeurs s’il convenait d’en fixer le siège dans la ville de Clermont de préférence à celle de Riom, auquel cas l’administration départementale serait établie dans la ville de Riom.

Quatorze juillet 1790

La prise de la Bastille fut considérée comme un symbole d’ailleurs mal choisi du tiomphe de la liberté sur la tyrannie.

La Bastille n’était, en effet, qu’une défense militaire hors d’usage gardée par une petite garnison composée d’invalides et le nombre de ses prisonniers ne dépassait guère la douzaine. Les pensionnaires habituels étaient des fils de famille débauchés, enfermés à la demande de leurs parents ou des perturbateurs de l’ordre qui avaient besoin de quelque temps de réflexion.

Qoique d’importance relative, cet evènement devait être célébré par une fête nationale. La fête de la Dédération, au Champ de Mars à Paris, en marqua le premier anniversaire. Son but était de faire ressortir l’unité de la Nation. Soixante mille députés représentant les communes des 83 départements assistèrent à cette solenité et prétèrent serment à la constitution, les bras tendus vers l’autel de la patrie sur lequel, Talleyran, évêque d’Autun, venait de célébrer la messe.

Louis XVI ayant lui-même juré fidélité au peuple et à la Constitution, la Reine éleva son fils dans ses bras en s’écriant : « il se réunit ainsi que moi dans ces mêmes sentiments. »

L’immense foule répondit à ces paroles par des cris d’enthousiasme et se dispersa en acclamant la nation, la loi et le Roi.

La fête de la Fédération n’eut, à Moissat, qu’un faible écho et son caractère fut uniquement religieux.

Ce même jour, l’assemblée municipale tint séance en la maison commune et le secrétaire crut devoir mentionner, en tête du procès-verbal de la réunion que ce 14 juillet «était l’anniversaire de la révolution et de la prise de la bastille de Paris et le jour de la Confédération Nationnale faite en la dite ville de Paris. » et que la messe venait d’être célébrée « à raison du dit anniversaire dans l’église du Haut-Moissat par M. Delanef, vénérable curé d’Espezen.»

 


05/08/2012
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