Nature et Patrimoine de Moissat

Deux châteaux d'eau

DEUX CHATEAUX D’EAU A MOISSAT-HAUT, POURQUOI ?

 

C’est la question que peuvent se poser les jeunes générations de cette commune. L’un au sud du clocher, construit en béton armé et visible de très loin, assure la distribution de l’eau dans tous les foyers de la commune, depuis 1952. L’autre, construit en briques est plus discret. Il se trouve au nord de l’église au milieu de la rue à laquelle il a donné son nom. Il a pourtant fière allure depuis qu’il a un toit tout neuf en zinc. C’est le premier en date puisque construit juste avant la guerre de 1914-18.

Il est celui qui nous intéresse dans cette étude, car il constitue une des pièces maitresses de l’approvisionnement en eau de Moissat-Haut avant 1952, à partir de la fontaine de Charliat.

Cette fontaine se trouvait à l’intersection du chemin de Charliat, descendant de Moissat-Haut, avec le chemin prolongeant la rue des noyers (de Moissat-Bas) en direction du sud. Elle est antérieure à 1839 puisqu’à cette date elle est un enjeu dans les discussions qui agitent les partisans et les adversaires de la division de la commune de Moissat en deux entités.

Au XIXème siècle l’eau manque à Moissat-Haut. Dans les années 1890 on essaie d’améliorer de débit de la fontaine dite « du mougni » ou de « Chez Chatard » au bas de la rue qui a pris le nom de cette fontaine, et le constat de la délibération du conseil municipal du 9 décembre 1900 est laconique mais grave : « la commune va se trouver dans l’obligation de faire de grands frais pour se procurer de l’eau potable ». Le 12 août 1906 le problème est le même et beaucoup plus circonstancié : « la sècheresse qui sévit de nouveau cette année a tari la majeure partie des puits du chef lieu et obligé les habitants à aller chercher l’eau nécessaire à eux et à leurs bestiaux. Il en résulte une fatigue et une perte de temps considérable, sans parler du risque d’incendie. La source alimentant l’abreuvoir de Charliat, où l’on va du reste puiser l’eau à pleins tonneaux durant la sècheresse, est abondante même pendant cette période. Le conseil est convaincu qu’en la captant mieux et en la refoulant dans une canalisation, il serait possible de la conduire jusqu’au point assez élevé pour la distribuer dans les divers quartiers de Moissat-Haut. Pour l’élever on pourrait soit utiliser l’énergie électrique en s’adressant à la société des forces motrices d’Auvergne, soit installer un moteur, mais pour prendre une détermination à cet égard il faudrait être fixé sur le débit de la source, la nature des travaux qu’entraineraient son adduction et sa distribution et la dépense qui en résulterait. Une étude préalable s’impose. La commune n’aura rien à débourser, un contribuable, M Alexandre GRIMAUD, offrant d’en payer les frais ».

Tout est dit dans ce texte. En particulier penser à installer un moteur électrique près de vingt ans avant l’électrification de la commune est remarquable et même « futuriste ».

Les responsables de Moissat vont prendre les difficultés les unes après les autres. Il suffit de relever les délibérations suivantes, ainsi le 26 août 1906 : « avec le concours de M l’Agent Voyer et d’un fontainier expérimenté M CHAMBONNET, le mode de puisage, d’adduction et de répartition de l’eau a été étudié, la distance entre le point d’émergence et l’emplacement du château d’eau a été mesurée, la différence de niveau calculée ainsi que la longueur et la dimension des tuyaux d’amenée et de répartition. Il reste à déterminer le débit de la source, la nature de l’eau et son captage, ce qui nécessitera des travaux spéciaux. La commission espère que le projet pourra aboutir ». Celle du 16 août 1808 est aussi explicite : « l’eau des fontaines publiques a été analysée par le laboratoire municipal de Clermont-Fd. L’eau de l’abreuvoir de Charliat, dit le biouradu, est potable. En conséquence Mr le maire estime qu’elle pourrait être utilisée pour alimenter le chef lieu. La plus grande difficulté consiste à trouver le moteur pour élever l’eau ». Ce sera finalement un moteur à essence Panhard.

Ensuite il faut penser aux travaux de conduite d’eau et l’établissement des bornes fontaines en divers points du village et leur raccordement (délibération du 4 juin 1911). Curieusement il n’est jamais question de la construction du château d’eau. Le 24 avril 1912 on emprunte 14000 F. Le 17 novembre 1912 on décide des « mesures à prendre pour obtenir de M Tixier de Billom qu’il finisse les travaux de captage d’eau de Charliat », ce qui montre que ce travail n’est pas encore abouti.

Enfin le 7 juin 1914 : le moteur pour faire monter l’eau est installé. Ce serait merveilleux si cette maudite guerre n’était pas déclenchée moins de deux mois après.

 

Les premiers aléas d’exploitation apparaissent le 24 octobre 1915 : « l’eau se fait rare à Moissat-Haut et il y a lieu de faire couler à nouveau les bornes fontaines ». On a des difficultés pour s’approvisionner en pétrole ou essence, à cause de la guerre qui mobilise le carburant en même temps que les hommes.

Entre deux pannes le 12 décembre 1915 : « M Chambonnet demande qu’on lui paie le solde de sa facture ». Les lenteurs administratives ne sont pas d’aujourd’hui. Une autre panne survient puisque le 12 novembre 1916 M Cottin de Billom répare le moteur. A la mairie de Moissat on trouve que la note est salée, mais que peut-on y faire ?… Même après la fin de la guerre la pénurie de carburant persiste puisque le 16 mai 1920 « le conseil décide de prier M le Préfet de bien vouloir délivrer à la commune un bon d’essence pour l’achat de 300 l afin de pouvoir actionner le moteur de Charliat ».

Depuis le 12 décembre 1915 des travaux non précisés sont encore effectués car le 21 février 1921 « MM Chambonnet et Bonnaud (agent voyer) devront fournir la justification de ce qui leur reste dû pour l’installation des fontaines publiques de Moissat-Haut ».

Le 15 janvier 1922 en profitant de l’hiver, le premier entretien de l’installation intervient : « décision de nettoyer le captage et le château d’eau et de faire des réparations ». Le 24 mai 1925 on a d’autres signes de fatigue de l’installation de Charliat. On émet le souhait de passer à un moteur électrique. C’est alors la période d’installation de l’électricité dans la commune. Le 28 novembre 1926 on fait le même constat de fatigue et « l’essence devient chère ». On attend encore jusqu’au 13 février 1927 pour prendre la décision de changer la pompe et aussi de créer de nouvelles bornes fontaines, et des lavoirs. Sans doute à cause de la trésorerie mise à mal par l’électrification de la commune, on attendra encore deux ans de plus pour la pompe.

Survint alors le fameux mois de février 1929. Après un début d’hiver très doux la sève monta dans les arbres. En février des fortes gelées provoquèrent des éclatements des arbres. Combien de fois ai-je entendu nos ainés dire : « la nuit on entendait comme des coups de fusil ! ». Il fit très froid également à Charliat. La délibération du 3 mars 1929 en témoigne : « le gel a fait exploser la pompe ». Celle qui suit, du 28 avril, aussi : « la pompe est irréparable ». Cette fois le conseil est au pied du mur. Il décide d’acheter une pompe centrifuge électrique, de réparer ou remplacer le château d’eau (c’est donc que le gel l’a aussi endommagé) et de créer aussi de nouvelles bornes fontaines, vraisemblablement celles décrites ci-dessus.

La pompe électrique semble fonctionner en novembre de la présente année 1929 et bien fonctionner puisqu’une seule anicroche survient le 20 novembre 1944 : « réparation du moteur électrique. Il a des enroulements grillés. Il faudrait le protéger par un disjoncteur ».

Cette installation originale d’élévation et distribution d’eau perdure jusqu’à 1951-52, c’est-à-dire jusqu’à l’adduction d’eau encore en place actuellement.

 

La fontaine de Charliat est toujours utile. Autre temps, autres mœurs, l’eau de son réservoir sert à arroser le stade. Et il nous reste le vieux château d’eau comme témoin d’un passé révolu.

 

M J

 



08/03/2017
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