Le Ban Des Vendanges à Moissat
LE BAN DES VENDANGE A MOISSAT
INTRODUCTION
« L’assemblée arrête que la présente mise des bans des vendanges sera sur le champ publiée au son du tambour par les gardes et copie des présentes par eux affichées pour que personne n’en ignore » (délibération du 11 vendémiaire an 5, 2 octobre 1796).
Le ban des vendanges est la date avant laquelle les vignerons ont interdiction de vendanger. Chaque année cette date est déterminée par l’autorité (le Seigneur autrefois, le conseil municipal à partir de la Révolution) suivant l’avancement de la maturité des raisins résultant des conditions de température et d’hygrométrie de l’année en cours.
C’est une disposition d’Ancien Régime que la Révolution n’a pas abolie.
A Moissat des registres de délibérations du conseil municipal nous donnent ces dates. De l’an 4 (1795) à 1866 seulement 35 années sont répertoriées sur 72 possibles, soit que certains registres nous sont pas parvenus, soit que sur ceux qui sont présents à la mairie, la date de ces bans n’a pas été écrite.
En général les bans des vendanges s’étalent sur 6 jours :
-1er jour : Courcour, (la Védrinas) ;
-2ème jour : Courcour (le Ronzilloux) ;
-3ème jour : le tour de Moissat-Haut ;
-4ème jour : les Pirouses, le Coudiole ;
-5ème jour : le Graveyrou et les Chabannes ;
-6ème jour : les Vignots (Grands et Petits)
Le premier jour était le plus souvent un lundi et donc les autres jours se succédaient jusqu’au samedi. Si le premier jour n’était pas un lundi, le dimanche suivant n’était pas cité, le repos de ce jour-là, sous la pression de la religion, étant observé. Certaines années, les bans se distribuaient sur quatre ou cinq jours et les terroirs pouvaient être intervertis par rapport à l’ordre cité ci-dessus en fonction de leur avancement de maturité.
CONTESTATION DU BAN DES VENDANGES
La date de début du ban, fixée par le conseil municipal pouvait être contestée. Ainsi en 1819, par décision prise le samedi 2 octobre, cette date est prévue le mardi 5 suivant.
Mr BESSE, pourtant membre de l’assemblée qui prend la décision « a déclaré ne vouloir signer la délibération, attendu qu’il voulait commencer le lundi 4 ». François BLATEYRON a dit qu’il pensait ainsi que Mr BESSE. La contestation s’appliquait seulement sur un jour. Cela peut nous paraître mesquin pour nous au XXIème siècle.
D’autres fois la date était contestée à cause des conditions climatiques. Par exemple en 1852 le ban est fixé dans un premier temps au 18 octobre, mais le 13 octobre les nombreux propriétaires craignant que le froid nuise aux raisins, demandent que le ban soit avancé au lendemain jeudi 14, ce qui est fait.
Le beau temps pouvait provoquer aussi une hâte. Ainsi en 1865 le dimanche 10 sept,« par suite de la précocité et des chaleurs extraordinaires, ouverture à demain ».
CONTRAVENTION AU BAN DES VENDANGES
Une « violation » du ban est relevée en l’an 4 de la République (1795). Elle mérite d’être racontée. La réunion du 6 vendémiaire de cet an 4 (28 septembre 1795) décide que le ban est fixé au mardi 14 (6 octobre 1795) pour le terroir du Coudiol. L’assemblée se réunie à nouveau ce jour, 14 vendémiaire. Dans sa délibération il est écrit qu’« un membre a dit qu’Antoine BELISME Buvandon, officier municipal (on dirait conseiller municipal aujourd’hui), a contrevenu au ban des vendanges de cette commune, attendu qu’il a vendangé hier sa vigne au pan du Coudiol qui ne devait l’être qu’aujourd’hui ». Il est promis des sanctions contre ledit Antoine BELUSME sans en préciser la nature.
Là aussi le litige ne porte que sur un seul jour. Antoine avait-il un calendrier sous les yeux ? Il n’empêche que l’année suivante le 11 vendémiaire an 5 (2 octobre 1796) il est édicté un règlement : « le fait de contrevenir au ban des vendanges doit être puni d’une peine d’une valeur de trois journées de travail », et on « nomme deux commissaires pour constater les contraventions qui seraient faites ».
LES BONNES ET MAUVAISES ANNEES
Ces dates du ban des vendanges servent aux historiens à connaître le temps qu’il faisait durant chaque année. Une date précoce est la marque d’une année chaude et d’une récolte de très bonne qualité comme 1858 (20 septembre) et surtout 1865 (11 septembre) et 1822 (10 septembre). A l’inverse une date tardive indique une année froide et pluvieuse avec une maturité insuffisante, donc donnant un vin de mauvaise qualité. Par ordre croissant on a 1817 et 1852 (18 octobre), 1821 (22 octobre), 1845 et 1851 (23 octobre). La pire de toute est 1853 (2 novembre) qui a certainement enfanté un remarquable « tort boyau ». Les années moyennes s’échelonnent du 28 septembre au 17 octobre, avec une prédilection pour le 5 octobre. On a en effet 8 années à cette date.
LA FIN DU BAN DES VENDANGES
La dernière année citée est 1866 et le 8 octobre. En 1867 la date n’est pas donnée. Par contre en 1868, il est précisé qu’« on laisse libres les propriétaires de vendanger quand ils veulent ». Ceci est réitéré en 1871. En 1872 le commentaire est encore plus explicite : « Le conseil décide qu’il n’y a plus lieu de décider du ban des vendanges ». C’est la fin de cette disposition. Plus jamais on en parle par la suite.
L’avènement de la 3ème République en 1871 est étranger à l’abandon du ban des vendange puisqu‘il apparaît en 1868, donc encore sous le 2nd Empire.
CONCLUSION
Dans certains vignobles réputés le ban des vendanges perdure encore à l’heure actuelle. S’il semble avoir perdu sa rigueur il sert de prétexte à fêter la nouvelle récolte de l’année.
Maurice Jaffeux