Nature et Patrimoine de Moissat

L'histoire du Pont de La Planche

DE LA PLANCHE, AU PONT DE LA PLANCHE

 

Le pont de la Planche permet de franchir le Litroux sur le chemin menant de Moissat-Bas à Goëlle et Ravel. Avant la construction de ce pont il existait une « Planche » (d’où le nom donné au pont), à quelques mètres en amont de celui-ci, permettant de franchir à pied le ruisseau. C’était un arbre équarri comme il est décrit ci-dessous.

 

AU XVIIIème SIECLE

Dans un compte, concernant Moissat, découvert aux Archives Départementales (série et côte C2447), daté du 6 janvier 1776, c’est-à-dire sous le règne de Louis XVI, il est écrit textuellement :

-dépense de « 36 livres pour faire passer une planche sur le ruisseau de lytroux seavoir 24 livres pour achat d’dycelle et quarissage et celle de 12 livres pour la despense de la faire passer et conduire dycelle en présence de plusieurs habitants le certificat de devis et Nugeyre qui était présent à l’emplacement dycelle ».

Malgré le manque de ponctuation, l’orthographe de l’époque et le style alambiqué, la signification de ce texte est claire : dépense de 36 livres pour faire passer une planche sur le ruisseau le Litroux, à savoir 24 livres pour l’achat de celle-ci et son équarrissage, et celle de 12 livres pour la transporter et l’installer. Le certificat de devis est fait en présence de plusieurs habitants et de Nugeyre (consul de l’année peut-être ?) sur les lieux du chantier.

Dans un autre compte récapitulatif des dépenses faites sur les « revenus patrimoniaux » des paroisses de Moissat (série C, côte précise non relevée), daté du 25 juillet 1784, relatif aux années précédentes, il est noté pour l’année 1777 :

« -art 39 : dépense de 24 livres à Mr HUGUET de GOELLE pour l’achat d’un arbre pour faire une planche au ruisseau de Goëlle ;

  -art 40 : 10 livres 3 soles à Thomas DENIS, cabaretier, pour la nourriture de ceux qui ont placé ladite planche ».

Le premier texte est donc le devis, et le deuxième concerne le travail réalisé. Il y a cohérence entre les deux prix d’achat de l’arbre et son équarrissage (24 livres). Par contre le transport et l’installation de l’arbre sur le ruisseau est revu à la baisse puisqu’il passe de 12 livres à 10 livres + 3 soles. Il est possible que les personnes qui ont effectué le travail soient moins nombreuses que prévues. On remarque que celles-ci sont payées uniquement en nature, c’est-à-dire sous la forme d’un repas qu’on espère copieux et bien arrosé !

 

AU XIXème SIECLE

Au cours de ce siècle certaines délibérations du conseil municipal nous renseignent sur le devenir de cette planche. Ainsi le 6 août 1842 on parle de « réparation à la planche de Goëlle », le 19 juin 1845 de « réparation à la planche de Prégrand », le 26 juillet 1846 de « restauration de la planche de Goëlle ». Il s’agit bien toujours du même édifice, Prégrand étant le nom du terroir à l’est du ruisseau. Un autre texte daté du 23 août 1843 est encore plus intéressant. Il s’agit de « réparer la partie en maçonnerie qui supporte au milieu du ruisseau la planche qui sert de passage aux piétons et pour y établir une main courante ». L’existence de ce pilier est une découverte. Il est probable que son soubassement en maçonnerie subsiste encore sous les dépôts de sables. Quant à la main courante il est question de l’ « établir », comme si elle n’existait pas auparavant. Pourtant traverser le ruisseau sans protection devait être périlleux. On peut croire que cette main courante devait bien exister lors de l’installation de la planche et qu’elle soit tombée en décrépitude par la suite.

 

AU DEBUT DU XXème SIECLE

On n’a plus de mention de ce lieu dans le registre des délibérations jusqu’à la fin du XIXème siècle. Mais le 19 janvier 1901 on peut lire textuellement : « Plusieurs membres (du conseil municipal) ont fait remarquer que le gué du ruisseau du Litroux sur le chemin vicinal de Moissat aux Courtioux n°5 est complètement dégradé, au point qu’on ne peut traverser commodément le cours d’eau. Ils demandent que ce gué soit au plus tôt réparé de manière à ce qu’on puisse rentrer les foins facilement à l’avenir. Le conseil est d’avis que les réparations soient faites immédiatement ». Donc près de la planche qui permettait aux piétons de franchir à pied sec le ruisseau, se trouvait un gué pour le passage des charrois quand le niveau de l’eau était modéré. On ne voit plus trace de cette installation à l’heure actuelle.

La première fois qu’on émet l’idée d’ériger un pont intervient le 12 août 1906 : « création d’une commission s’occupant (entre autres) de la construction d’un pont sur le Litroux au lieu dit des Planches ». Le conseil n’est pas au bout de ses peines, car il faudra une quinzaines d’années pour réaliser ce projet. Le 26 du même mois on fait un premier constat pessimiste : « L’étude du pont est assez longue à cause des détails et des calculs qu’elle comporte. Il n’est pas possible de donner une évaluation même approximative. Mr l’Agent Voyer étudie la question ».

Le projet semble s’endormir jusqu’à l’intervention de Mr ROUSSEL conseiller de Moissat-Bas deux ans plus tard, le 16 août 1908. Il lui est répondu assez vertement que la commune a d’autres préoccupations. En effet elle a en chantier des constructions d’écoles, la montée d’eau de Charliat, des travaux à la halte de Seychalles, les contrecoups de la séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905) en ce qui concerne le Couvent, etc. Cependant les choses avancent à partir du 6 juin 1909 : « un avant projet a été dressé par M BONNEAU Agent voyer qui s’élève à 4500 f ». C’est trop cher, « Mr le maire étudie un autre mode de construction plus économique et se rapprochant le plus possible du crédit de 2200 F qui est inscrit au budget additionnel pour ce travail ». Le 7 novembre 1909 un autre projet est dressé par Mr DEFRATIN ingénieur à Clermont-Fd. Son devis pour le tablier seul s’élève à 2767 Fr,40. C’est plus que le crédit de 2200 F ci-dessus, d’autant plus que la construction des piles sur les berges n’est pas comptée.

Le projet s’endort encore pendant deux années. Le 16 février 1913 « En pleine séance du conseil municipal Mr GENESTOUX Antoine demande où en est le projet du pont de la planche ». Cela a pour effet de réveiller les esprits et de provoquer des décisions : « L’assemblée après avoir examiné la question, décide de faire préalablement les fouilles à telle profondeur voulue pour trouver le solide en établissant une tranchée de 4 m de long sur 3 m de large. Cela fait M l’Agent Voyer sera appelé pour venir constater si les fouilles établies sont suffisamment profondes et si la base du terrain est propice et solide pour supporter les murs et le pont tout entier sans inconvénient, qu’alors il sera fait un béton avec fer en T enduit de ciment, la maçonnerie serait donnée à prix fait à un ouvrier du métier, la commune se chargeant de fournir la chaux, le sable et la pierre. Après cela la commune pourra traiter avec un entrepreneur de travaux pour le tablier du pont en ciment armé ». Cette fois le chantier semble bien amorcé d’autant que par une délibération suivante, le 10 août 1913 on décide de « conduire 7 m3 de pierre cassée prise à la Rochette pour faire le béton des fondations, ainsi que sable et chaux, sur les lieux ».

Peu de temps avant le déclanchement du conflit de 1914-18, le 7 juin 1914, une nouvelle étude établie un devis de 7500F. Pendant le début de cette guerre le travail stagne, mais la planche existante se délabre. Il suffit de lire la délibération du 20 février 1916 qui explique le problème : « Mr le Maire pose la question que lui a soumis bien des membres du conseil municipal concernant la planche de Prégrand, qui se trouve dans un très mauvais état et peut faire arriver des accidents. Après examen le conseil a été d’avis de faire réparer provisoirement cette planche. Pour cela il a décidé de faire abattre un peuplier pris sur les communaux, afin d’éviter des frais. Il a été convenu que l’un des membres du conseil de Moissat-Bas conduirait à la scierie cet arbre de manière qu’il soit exploité pour pouvoir l’appliquer sur la planche existante et faire relier le tout par 4 barres de fer, dont une à chaque extrémité et 2 au milieu. Les frais de sciage et autres seront supportés par la commune ». Ce travail a-t-il été réalisé ? Il est permis d’en douter parce que de 1916 à1921 la construction du pont s’est bien faite, d’ailleurs avec l’aide de prisonniers de guerre allemands. Ce n’est pas précisé dans les délibérations, mais des personnes ayant vécu cette période nous l’ont dit. La séance du 3 avril 1921 le confirme : « on demande une subvention de 3000 F pour le pont de Goëlle à l’Etat pour 1921 puisque les travaux de cet ouvrage seront terminés à bref délais ».

On peut raisonnablement penser que le chantier s’est terminé en 1921 ou 22 pour la bonne raison qu’après cette dernière date il n’est jamais plus question de ce pont dans les décisions du conseil municipal. Cependant la délibération du 17 décembre 1922 peut créer un doute : « achat d’un terrain pour la construction du pont de la Planche ». Ce doit être le terrain à l’ouest du pont. Il serait plus logique de faire cette acquisition avant sa construction. Mais « construction » veut sans doute dire aménagements annexes. Par là on pense à la dérivation du chemin en direction du pont et son empierrement, puisque le pont est construit quelques mètres au nord de l’ancienne planche. Ce doit être aussi le creusement de l’« entrée de la Planche », c’est-à-dire du chemin creux qui longe le pont et descend dans le lit du Litroux. Il permettait aisément l’évacuation du sable extrait du ruisseau et aux bestiaux de s’abreuver.

 

Telles furent les péripéties rencontrées par nos prédécesseurs lors de la construction du pont de la Planche, bientôt centenaire.

 



09/11/2016
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